La confession d’Adèle

Je m’appelle Adèle. J’ai trente-neuf ans, deux enfants, un mari tendre et prévisible, un jardin bien entretenu, une vie normale. Je suis cette femme qu’on envie vaguement, qu’on respecte toujours, qu’on désire peut-être un peu.

Mais je mens. Pas aux autres. Pas tout le temps. Je me mens surtout à moi-même.

Jusqu’à ce soir de mai. Jusqu’à lui.

C’était une réunion professionnelle. Bordeaux. Une convention de design d’espace. Mon mari pensait que je dormais à l’hôtel Ibis. Il m’avait embrassé sur le front. Moi, j’avais glissé dans ma valise un collier en cuir, une paire d’escarpins rouges, et un sex-toy chargé.

J’avais aussi imprimé un mail. Une adresse. Une consigne : « Viens comme une femme mariée. Rentre comme une chienne. »

Il s’appelait Stanislas. Il était photographe. Ou maître d’hôtel. Ou peut-être ni l’un ni l’autre. Je ne l’avais jamais vu.

Quand j’ai frappé à sa porte, j’avais le coeur au bord du sexe.Il m’a déshabillé du regard. Lentement. Comme on déshabille une statue qu’on vénère autant qu’on veut profaner.

Puis il a parlé : « Pose ton alliance sur la table. Tu n’en auras plus besoin ce soir. »

Je l’ai fait.

Ce qu’il a fait ensuite, je ne peux pas tout dire. Pas par pudeur. Mais parce que je ne suis plus sûre. Des liens. De l’ordre. Des cris. De mes mains attachées. De mes jambes grandes ouvertes.

Je me souviens du miroir. De mon visage éclaté. De mes yeux. Comme ceux d’une autre.

Je me souviens de ma voix. Étrangère. Vile. Suppliante.

Il m’a dressée. Littéralement. Il m’a donné des ordres, des contraintes, des humiliations précises. J’ai pissé à genoux sur le carrelage. J’ai léché ses bottes. Il m’a faite baiser par un autre homme pendant qu’il me tenait par les cheveux.

Je n’ai pas joui. J’ai joui mille fois. J’ai fondu. J’ai disparue.

J’étais devenue ce que je n’avais jamais osé nommer. Une femme à genoux. Une femme offerte. Une femme salie. Sublimée.

Je me suis adorée.Quand je suis rentrée chez moi, mon mari dormait. Il a bougé dans le lit, a mâchonné quelques mots, m’a serré contre lui. Il a dit : « Tu sens bon. »

J’avais encore du foutre entre les cuisses.

Depuis, je vis en double. La mère. L’épouse. Et l’autre. Celle que Stanislas réclame tous les jeudis. Celle qui n’a plus de limites. Qui suce dans des toilettes publiques. Qui reçoit dans un garage désert. Qui bande les yeux et ouvre les cuisses.

Je ne veux pas choisir.

Je ne veux pas redevenir entièrement Adèle.

Parce qu’au fond, je ne l’étais jamais vraiment.

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