
La retenue d’Alex
Première nouvelle de la série « En route ! »
Acte I — Une Ville de Passage
Lyon. 17h08.
Alex ajuste le col de sa chemise en lin gris, referme la pochette de cuir qui contient les dossiers du jour, puis glisse son téléphone dans la poche intérieure de son blazer anthracite. Il quitte le salon feutré du Mercure, frôle les boiseries vernies d’une main absente. Il n’a plus rendez-vous. Mais il reste encore un peu de lumière.
Il ne prévoit jamais vraiment ces moments. C’est une intuition. Une pulsation. Un interstice entre le professionnel et le primitif.
Son pas lève les pavés du Vieux Lyon. Une terrasse, une silhouette accoudée au zinc de fortune, un regard qui accroche le sien. Elle ne baisse pas les yeux. Elle a quelque chose de cette lassitude apprivoisée que les femmes portent parfois, passé trente-cinq ans. Il entre.
Acte II — La Serveuse
Elle s’appelle Jeanne. Du moins, c’est ce qu’indique légèrement son badge, penché sur un sein un peu hautain. Elle le vouvoie, et le regarde comme un homme qu’on ne revoit pas, mais qu’on espère revoir.
— Vous êtes de passage ?
— Toujours.
Il la regarde verser le vin blanc, sans en boire. Elle note. Elle a compris.
— Vous attendez quelqu’un ?
— Non. J’observe.
Elle rougit. Mais elle reste. Alex ne sourit pas. Il ne drague pas. Il invite. Subtilement. À envisager. À fantasmer. Il ne touche jamais les premières heures. Il suggère. Il laisse une absence que l’on ressent physiquement.
Acte III — L’Appartement au Sixième
Il n’a rien proposé. Elle l’a suivi.
Un silence grave s’est installé entre eux, comme une nappe posée sur une table qu’on s’apprête à renverser.
Elle entre. Elle observe. Il la déshabille du regard, sans hâte.
— Tu as peur ?
Elle hoche la tête. Non.
Il se rapproche. Lentement. Sa voix est une caresse qui n’en est pas une.
— Je n’ai pas besoin de te faire jouir tout de suite… je veux que tu y penses toute la semaine.
Acte IV — Le Jeu de la Retenue
Il pose une main sur sa nuque. Juste assez pour qu’elle sente sa présence. Puis il recule. Il la regarde. Elle est debout, droite, tendue.
— Déshabille-toi. Lentement.
Elle obéit. La chemise tombe, le soutien-gorge aussi. Ses seins se dévoilent sans hâte, orgueilleux. Alex ne bouge pas. Il fixe. Elle inspire, incertaine, mais le feu commence à prendre.
Il s’approche enfin. Sa main glisse sur la courbe de sa hanche, puis s’arrête. Il s’accroupit, souffle sur l’intérieur de sa cuisse. Rien d’autre. Elle vacille.
Elle voudrait l’attirer à elle. Il recule.
Acte V — L’Obsession
La nuit avance. Il la touche peu. Mais il parle. Il souffle des ordres, des mots crus dit avec lenteur, des promesses qu’il ne tiendra pas tout de suite.
Il la fait se pencher contre le mur. Il pose sa main entre ses cuisses. Elle est déjà trempée.
— Tu vois, je n’ai encore rien fait.
Il rit doucement. Puis se retire dans la salle de bain. La laisse nue. Frustrée. Brûlante.
Elle l’entend se doucher. Elle reste debout. Elle sait que ce n’est pas fini.
Mais il sort, s’habille.
— Tu restes ici. Je reviens.
Elle ouvre la bouche. Ne dit rien. Il ferme la porte.
Acte VI — Le Corps en Suspens
Elle passe la journée suivante dans un entre-deux. Incapable de travailler. Chaque détail de la veille est une décharge. La façon dont il l’a regardée. Le fait qu’il l’a laissée là.
Quand il l’appelle, le surlendemain, elle répond en une demie-seconde.
— Je savais que tu penserais à moi.
Elle ne nie pas.
— Ce n’était qu’une préface.
À suivre…
Dérapage
Deuxième nouvelle de la série » En route ! «
Acte I — Une Ville Inconnue
Rouen. 22h43.
Il n’avait pas prévu de rester. Une escale imprévue entre deux trains, un hôtel réservé à la hâte, une brume qui collait aux vitrines des rues désertées. Il aimait ces interludes.
Il entra au hasard dans un bar encore ouvert, juste avant la fermeture. Pas chic. Pas sale non plus. Un genre d’endroit où l’on ne regarde pas vraiment les autres, sauf quand on n’a plus rien à perdre.
C’est là qu’il l’a vue.
Pas jolie. Fascinante.
Elle riait trop fort. Portait une robe trop courte. Elle regardait un homme qui n’était pas avec elle. Alex s’est approché. Sans prévenir.
— Tu t’ennuies ?
Elle l’a regardé. A jaugé. A souri.
— T’as un problème, monsieur costume ?
Il a ri. Pas elle. Le jeu a basculé en moins de trente secondes.
Acte II — Olivia
Elle s’appelait Olivia. Elle l’a dit comme on donne un faux nom. Elle buvait de la bière tiède et tirait sur une clope électronique au parfum sucré. Il l’a défiée du regard. Elle a relevé le menton. Il a aimé son culot. Sa vulgarité sans honte. Elle n’était pas du genre à attendre qu’on lui dise quoi faire.
— Viens. Je ne répète pas.
Il avait prononcé ces mots sans penser qu’elle le suivrait. Mais elle s’est levée. Comme si c’était elle qui décidait.
Acte III — Chambre 207
Elle a jeté son sac sur la moquette, ouvert la fenêtre, allumé une autre clope. Alex la regardait, adossé à la porte. Elle ne disait rien. Il ne disait rien.
Il s’est approché. L’a plaquée contre le mur. Elle a ri. Il l’a giflée. Pas fort. Juste assez pour qu’elle le regarde autrement.
Elle l’a griffé. Arraché sa chemise. Mordu la peau de son torse.
Tout est devenu urgent. Bestial. Déraisonnable.
Elle s’est agenouillée. Pas pour lui faire plaisir. Par provocation.
Et quand elle l’a pris en bouche, elle le regardait droit dans les yeux. C’en était trop.
Il l’a tirée par les cheveux, l’a jetée sur le lit, lui a arraché sa robe. Elle ne portait rien dessous.
— Plus fort, a-t-elle dit.
Il a obéi. Pour une fois.
Acte IV — Tempête
Il l’a prise. Brutalement. Par devant. Par derrière. Elle gémissait, mordait, le griffait. Il ne la tenait pas. Elle le dévorait.
Il a voulu ralentir. Elle l’a giflé. A ricané.
— T’es pas là pour ça. T’es là pour jouir.
Et il a compris. Qu’il avait perdu le fil. Qu’il n’était plus le seul à mener la danse.
Elle l’a attaché avec sa ceinture, a chevauché son torse, le sexe encore gonflé, douloureux. Il l’a vue jouir sans lui. Lentement. En le regardant.
Il n’avait jamais connu ça.
Acte V — L’Abandon
Il l’a reprise. Une dernière fois. Quand elle s’est endormie nue sur lui, il n’a pas bougé. Il était vidé. Physiquement. Mais autre chose aussi s’était vidé : le contrôle. L’assurance. Il n’était pas sûr d’avoir gagné.
Au matin, elle avait disparu. Juste une trace de rouge à lèvres sur le miroir.
« T’auras besoin d’en reprendre. Je le sais. »
Signé : O.
À suivre…
Initiation
Troisième nouvelle de la série » En route ! «
Acte I — L’Autre Côté du Miroir
Nantes. 19h26.
Alex avait reçu une invitation, manuscrite, glissée dans le pli d’un dossier confié par une cliente mystérieuse.
Rendez-vous au 5, passage Pommeraye. Code sur l’interphone : 314. Tenue sobre. Pas de montre.
Il s’était prêté au jeu. Fasciné par l’audace silencieuse du geste. Par cette façon de l’appeler à elle, sans mot.
Il est entré. Une porte s’est ouverte. Une femme l’attendait, masquée, assise sur un fauteuil de velours noir. Elle ne s’est pas levée.
— Pose tes clés, ton téléphone. Et ferme la porte.
Sa voix était posée. Calme. Mais le ton ne permettait pas de discussion.
Acte II — Madame R.
Elle portait un tailleur noir à peine entrouvert. Sa gorge nue captait la lumière tamisée du salon. Elle n’avait pas l’air d’avoir besoin de plaire. Elle dictait les règles. Alex a aimé l’idée d’en recevoir.
Elle a tendu un bandeau de satin.
— Mets-ça.
Il a obéi.
Un souffle contre sa nuque. Une main qui desserre sa cravate. Puis rien. Le silence. Le vertige. Le cuir d’un fauteuil contre ses poignets, maintenus. Une odeur de cèdre et de vin chaud.
Elle lui a parlé. Longtemps. Sans le toucher. Elle a décrit ce qu’elle voulait lui faire. Ce qu’elle exigeait de lui. Ce qu’elle ne ferait pas. Pas encore.
Chaque mot était une morsure mentale.
Acte III — L’Examen
Elle l’a déshabillé lentement. A touché sans caresser. Observé. Noté.
— Tu aimes contrôler. Tu es précis. Mais tu ignores encore comment on s’abandonne.
Elle a glissé un doigt entre ses fesses. Juste assez pour lui faire sentir la possibilité. Pas plus. Il a tressailli. Elle a rit.
— Tu es vierge, Alex. Pas de sexe. De soumission.
Il a inspiré. Fort. Elle a continué.
— Tu crois diriger. Mais tu es prêt à plier. Je vais te le prouver.
Acte IV — L’Ordalie
Il a été menotté. A genoux. Collier au cou. Sexuellement gonflé, douloureux de ne pas être soulagé. Elle a joué avec ses nerfs. Avec sa langue. Avec sa voix. Elle l’a tenu au bord.
Puis elle l’a monté.
Sans qu’il la voie. Sans qu’il la touche.
Il a joui. Sans permission. Elle s’est arrêtée.
— Ce sera noté.
Il a rougi. Vraiment.
Acte V — L’Affranchissement
Elle l’a détaché. En silence. Lui a remis sa chemise, pliée. Un mot dedans :
« Reviens quand tu sauras dire merci. »
Pas de nom. Pas de numéro. Pas de baiser.
Alex est sorti dans la nuit nantaise. Défait. Révélé.
Il n’avait pas joui. Il avait cédé.
À suivre…