Ines

A mysterious portrait of a woman partially hidden behind a pole in an urban setting.

Première Consigne

Première nouvelle de la série « Soumise »

Elle avait quarante ans, un regard acéré et une silhouette droite comme un verdict. Inès Lecoq était avocate pénaliste à Rennes, redoutée pour son esprit tranchant, respectée pour son éthique rigoureuse. Elle était de ces femmes qui parlent peu mais pèsent chaque mot comme une lâchée de hache sur la table. Le moindre pli de son tailleur était pensé, chaque bijou choisi pour sa sobriété. Inès ne débordait jamais. Ni dans la forme, ni dans le fond.

Et pourtant.

Depuis quelques mois, un trouble silencieux était venu grignoter les bords de sa rigueur. Rien de visible, rien de concret. Un regard qui traîne trop longtemps sur un inconnu dans un bar, une pensée intrusive en pleine audience, une main posée trop bas sur la hanche par un confrère trop sûr de lui. Elle se redressait, chaque fois. Elle reprenait le dessus. Mais la fissure était là.

Et puis, il y eut cette lettre.

Un courrier sans signature, glissé dans son cartable en cuir. Sur un papier à en-tête neutre, une seule phrase :
« Si vous décidez de ne rien faire, personne ne saura. Mais si vous obéissez, vous ne serez plus jamais la même. »

Le papier était lisse. L’encre, presque sensuelle. L’effet, dévastateur.

Elle aurait dû la jeter. Elle aurait dû se moquer. Mais au lieu de cela, elle l’avait glissée dans la poche intérieure de sa veste. Et ce soir-là, en rentrant chez elle, entre deux gorgées de blanc sec et la musique de Chet Baker en fond, elle l’avait relue. Plusieurs fois. Jusqu’à ce qu’elle ne sache plus si c’était la peur ou l’excitation qui lui nouait le ventre.

Pendant deux semaines, rien. Pas un mot. Juste cette phrase, qui revenait chaque soir quand elle s’effeuillait dans sa salle de bains, nue sous la lumière crue. Jusqu’à ce matin-là. Une enveloppe noire, glissée sous sa porte.

« Hôtel Continental, chambre 312. Ce vendredi. 21h00. Entrez. Déshabillez-vous. Attendez. »

C’était une instruction.

Elle la lut dix fois. Puis la brûla. Puis la recopia. Elle prépara son corps comme une scène d’audience : épilation, manucure, lingerie choisie. Elle était honteuse. Et exaltée.


1. Chambre 312

L’hôtel avait le charme désuet des lieux choisis pour leur discrétion plus que pour leur confort. Inès entra à 21h02. Elle avait hésité, tourné dans le quartier pendant dix minutes, comme une adolescente en fuite. Mais elle entra. Et obéit.

La chambre était plongée dans une pénombre chaude. Un fauteuil imposant, un lit sans fioriture, un éclairage indirect. Un bandeau noir sur la table de chevet. Un mot, manuscrit cette fois :

« Nue. Bandeau. Silence. »

Elle retira son manteau. Puis son tailleur. Puis sa pudeur. Lentement. Chaque déboutonnage avait le poids d’une promesse. Elle frôla ses hanches, effleura ses seins. Elle n’était plus avocate. Elle était corps.

Puis elle mit le bandeau.

Et attendit. Assise. Nue. Muette.

Il entra vingt minutes plus tard. Son pas était calme. Sûr. Elle le sentit tourner autour d’elle, prédateur patient. Il ne dit rien, ne la toucha pas. Pas tout de suite. Puis :

— Tu es prête à recevoir. Tu n’as plus rien à donner que ton silence.

Elle hocha la tête. Une main dans ses cheveux. Une autre sur son ventre. Un souffle contre sa nuque.

Il la guida sur le lit, la fit s’agenouiller. Il l’examina, la frôla. Des gestes d’une lenteur délibérée. Il la toucha du plat de la main, sans urgence, comme on jauge un outil. Puis vinrent les attaches : poignets liés au-dessus de la tête, cuisses entrouvertes, maintenues par de fines lanières de cuir.

Il explora. D’abord la peau. Puis la respiration. Puis les limites. Il les frôla, les testant avec doigté, par des gifles légères, des caresses entre les jambes, une langue furtive, un doigt interdit. Elle suffoqua. Il lui interdit de jouir. Trois fois. Il voulait sa frustration, son abandon.

Et à l’aube, elle pleurait. Pas de douleur. De libération.

Il détacha ses poignets. Lui glissa un baiser sur l’épaule. Puis une enveloppe sous ses doigts.

« Deuxième consigne. Samedi. Même heure. Même lieu. Tu ne verras rien. Tu écouteras. Tu apprendras. »

Et il partit.

Elle resta là. Nue. Vibrante. Prête.

Obéissance

Deuxième nouvelle de la série « Soumise »

La deuxième enveloppe avait trôné trois jours sur sa table de chevet. Inès l’avait ouverte et refermée, comme on sent le bord d’une lame avec la langue. Curieuse. Terrifiée. Désireuse.

Le mot était bref :

« Samedi. 22h30. Le Jardin Clos. Demande pour « l’appartement rouge ». Tenue : rien sous ton manteau. »

Le Jardin Clos. Elle connaissait le nom. Un club privé, murmure élitiste dans les couloirs du barreau, entre rumeurs feutrées et sourires en coin.

Elle avait failli y aller. Autrefois. Par bravade. Mais elle ne l’avait jamais fait.

Le Jardin Clos

Samedi. 22h23.

Elle était devant la porte. Un manteau noir, long. Aucun maquillage. La respiration trop haute.

Le portier, discret, l’invita d’un signe. Elle se présenta. Il hocha la tête, lui fit traverser un couloir étouffé, aux murs tendus de velours bordeaux. Une odeur de cuir et de musc flottait. Une musique sans parole. Des soupirs, lointains.

« L’appartement rouge » était une pièce vaste, tamisée, couverte de tentures. Un miroir sans tain sur un mur entier. Un fauteuil, bas. Une chaise. Un rideau noir.

Et lui.

Il était debout. Elle ne le vit pas dans les détails. Pas encore. Il tendit la main, paume ouverte.

Elle comprit. Ouvrit son manteau. Le laissa glisser.

Elle était nue. Nue devant lui. Nue devant le miroir qu’elle ne savait pas encore traversé.

Il lui fit signe de s’agenouiller.

Les yeux invisibles

Elle resta ainsi. Trente minutes. Plus. Le sol était doux. L’air, tiède. Mais son corps tremblait. Il ne disait rien. Il faisait le tour. Parfois il la touchait. Une main sur la nuque. Une caresse sur son dos. Mais jamais entre ses cuisses.

Puis il parla. Une fois seulement.

— De l’autre côté de ce miroir, trois hommes te regardent.

Elle tressaillit. Sa respiration s’emballa. Il la calma d’une main dans ses cheveux.

— Ils ne peuvent pas te toucher. Pas ce soir. Tu n’es pas encore prête. Mais ils te voient. Ils te désirent.

Elle baissa la tête. Rouge. Plus qu’à nu : offerte.

Il la fit se lever. Lentement. Bras le long du corps. Il guida ses gestes. Lui fit toucher ses seins, ouvrir ses cuisses. Elle s’exécuta. Mécanique au début. Puis vibrante. Honteuse. Et excitée.

Son sexe était gonflé. Elle le sentait. Elle ne voulait pas jouir. Elle en avait besoin.

Il s’approcha d’elle. Derriere. Une main entre ses omoplates. Il la fit plier. Lui murmura :

— Tu vas te caresser. Jusqu’à ce qu’ils le demandent.

Elle obéit.

L’orgasme comme une défaite

Elle mit du temps. Il lui en fallait. Le trouble était trop grand. Mais les soupirs vinrent. Puis les gémissements. Il la maintenait, mains sur ses hanches. Il dictait le rythme. Jusqu’à ce que, dans un murmure, il dise :

— C’est le moment.

Elle bascula.

La vague la submergea, violente. Elle cria, la joue contre le cuir. Une main l’était posée sur sa bouche. Une autre entre ses cuisses.

Elle était offerte. Vue. Prise par le regard.

Et quand elle rouvrit les yeux, haletante, il la couvrit d’un drap.

Puis lui remit une troisième enveloppe.

« Troisième consigne. Samedi prochain. Cette fois, tu n’auras pas le droit de dire non. »

Elle le regarda. Elle hocha la tête.

Elle était prête.

A être à eux.

La Chambre des Supplices

Troisième nouvelle de la série « Soumise »

Le mot était sec, calligraphié à l’encre noire :
« Samedi. 22h. Adresse ci-dessous. Code d’entrée fourni. Entre. Déshabille-toi. Mets le collier. Attache-toi aux poignets. Tu attendras à genoux. Je ne te parlerai pas. »

Il n’y avait ni signature, ni salut. Seulement une photo glissée dans l’enveloppe : une chambre étrange, noire et rouge, équipée d’anneaux au mur, d’un lit bas, d’une croix en X, et d’une table où trônaient des instruments qu’elle ne savait nommer.

Inès sentit son clitoris se contracter. Instantanément. Elle fut prise de vertige.

Elle obéit.

22h04. Elle passa le seuil. Un appartement ancien, silencieux. Une lumière rouge au bout du couloir. Elle retira ses vêtements, pliés sur un fauteuil. Enfila le collier de cuir noir posé à son intention. Puis entra.

La chambre était fidèle à la photo. Froidement belle. Fonctionnelle. Prévue pour le dépouillement.

Elle s’agenouilla au centre, face à un pilier. Aux poignets, des bracelets de cuir fixés à une chaîne. Elle les ferma, l’un après l’autre. Le cliquetis métallique fut son dernier acte libre.

Elle attendit. Tremblante. Désirante.

Il entra. Sans un mot. Nu, sauf un pantalon noir. Elle n’osa pas lever les yeux. Mais elle le sentit tourner, la regarder.

Puis :

Un doigt sur sa bouche. Un godemichet, lourd, en silicone noir, glissé lentement contre ses lèvres. Elle comprit. Et ouvrit.

Il fut brutal. Il la baisa par la bouche comme on enfonce un mot dans une gorge qui ne peut protester. Elle s’étouffa d’abord, réprima un haut-le-cœur. Il lui tenait la nuque. Il guida. Il imposa.

La salive coula. Le godemichet en ressortit brillant. Elle haletait. Il ne dit rien. Il la retourna. L’attacha aux chevilles. Et glissa le jouet dans son sexe déjà ruisselant.

Puis il actionna la commande. Elle sursauta. Ce n’était pas une caresse. C’était une attaque. Il la fit ramper jusqu’à la croix. La hissa, bras en croix, jambes maintenues. Il la laissa là, vibrante, sanglée, offerte.

Elle gémit. Cria. Supplia. Il montait l’intensité. Elle venait. Encore. Puis trop. Et encore. Les orgasmes se succédaient, violents, lacrymaux, à la limite de la douleur. Elle ne savait plus si elle jouissait ou hurlait.

Il la détacha.

La fit se pencher. Lui enfonça un lubrifiant froid entre les fesses. Puis un doigt. Elle sursauta. Il attendit. Elle ouvrit plus les cuisses. Il en ajouta un deuxième. Les entra lentement. Il les faisait danser, étirer la chair, préparer. Lorsqu’elle se mit à gémir, à onduler légèrement du bassin, il les retira.

Un temps d’arrêt.

Puis son gland, à la porte. Il ne poussa pas encore. Il l’obligea à garder la position. Elle sentait sa verge pulsante contre elle, mais rien ne venait. Juste le souffle. La tension.

Et soudain, il entra. Lentement. Profondément.

Elle cria. Une fois. Pas de douleur vive, mais une invasion. Une prise. Il restait en elle, sans bouger. Elle s’habitua. Elle se détendit. Alors il commença à la baiser. Rythme lent. Puis plus sec. Puis plus rapide.

Il tenait ses hanches. Il tirait, poussait. Elle sentait tout : la brûlure, la friction, la moiteur, la honte. Et l’excitation. Il murmurait :

— Tu es à moi. Tu n’es qu’un trou. Tu le ressens ?

Elle hocha la tête. Elle voulait parler. Elle ne pouvait pas. Chaque coup l’envahissait plus.

Il glissa une main entre ses jambes. Toucha son clito. Elle sursauta. Elle était prête. Il accéléra. Elle gémit. L’air manquait. Les larmes coulaient. Et l’orgasme la saisit.

Il continua. Encore. Jusqu’à jouir en elle, profond, possessif, animal.

Quand il se retira, elle s’effondra. Tremblante. Vidée.

Elle se réveilla dans le lit bas. Enveloppée. Nourrie d’eau. Il était assis, lisait.

Quand elle entrouvrit les yeux, il dit seulement :

— Tu peux parler.

Elle pleura. Déliée. Vivante.

Puis il posa une enveloppe sur son ventre.

« Dernière consigne. Samedi. Tu seras mise à disposition. »

Et il partit.

L’offrande

Quatrième nouvelle de la série « Soumise »

Elle n’avait pas posé de question. L’adresse était celle d’un entrepôt discret en bordure de ville. Une grande porte grise, un code à composer, puis une pièce sombre au sol matelassé, aux murs de béton. Et cette cage de lumière où elle devait s’installer : à genoux, nue, collier autour du cou, mains attachées dans le dos.

Ils étaient quatre. Elle ne les vit entrer que flous, silhouettes sans noms. Aucun mot tendre. Juste une présence. Une chaleur animale. L’air vibrait d’une tension fauve. Ils ne s’annoncèrent pas. Ne la saluèrent pas.

Elle était offerte.

Une première main, lourde, s’enfonça dans ses cheveux. Sa tête bascula en arrière. Une verge contre ses lèvres. Elle ouvrit. On la baisa. Lentement d’abord, puis plus fort. Un rythme saccadé, inévitable. Elle suffoqua, avala, la bave déborda de sa bouche, glissa sur son menton. Elle était la bouche. Rien de plus. Et déjà une autre queue remplaçait la première.

Son nez ne respirait plus que le sexe, la moiteur, la brutalité. Ils se relayaient. L’un lui prenait la gorge, l’autre la caressait, glissait un doigt humide entre ses fesses, un autre dans sa chatte.

— Elle est prête.

Cette voix, neutre, presque administrative, claqua dans la pièce. Elle fut basculée à quatre pattes. Sans un mot. Sans précaution.

On la pénétra. Un sexe dur dans sa chatte. Un autre, bientôt, dans son anus. Ils poussèrent, lentement d’abord, puis ensemble. Un rythme lourd, oppressant. Une double pénétration massive, qui la sciait. Elle hurla. Sa voix se perdit contre les murs nus.

Ils la tenaient par les hanches. Ils s’enfonçaient à tour de rôle, ou simultanément. Elle n’était plus qu’un corps. Elle ne savait même plus qui était en elle. Elle était prise, étirée, ouverte. Elle se sentait à la fois brisée et comblée. Chaque coup de reins éveillait une vague. Elle était en feu. Son ventre se contractait. Son sexe palpitait.

Et elle jouit. Fort. Longtemps. Un orgasme sale, sauvage. Irrépressible.

Ils continuaient. L’un en elle. Un autre contre sa bouche. Puis l’inverse. Ils l’utilisaient. Comme un objet.

Elle les entendait rire. L’un d’eux lui gifla les fesses, violemment. Elle sursauta. Un autre lui imposa sa queue au fond de la gorge jusqu’à ce qu’elle lâche un haut-le-cœur. Il se retira juste avant qu’elle ne vomisse.

Elle toussa, la bave et le présperme mêlés sur son menton. Ils riaient encore.

On la retourna. Trois debout autour d’elle. Elle les suçait l’un après l’autre. Un était en elle, toujours. Ils se branlaient sur son visage, en attendant leur tour.

Elle n’avait plus honte. Elle avait tout laissé à la porte.

Puis ils jouirent. En elle. Sur elle. Dans ses cheveux, sa bouche, sur ses seins. Elle était couverte. Collante. Brillante de foutre et de sueur. Les cuisses écartées, le ventre taché, le visage offert, elle s’abandonna. Elle était salie. Et elle adorait ça.

Ils partirent. Sans un mot.

Elle resta. À genoux. Le souffle court. La peau brûlante. Le sexe encore palpitant.

Dans un coin, une enveloppe blanche. Elle la ramassa avec les dents. L’ouvrit.

« C’était la dernière fois. Ne me cherche pas. »

Elle pleura. De vertige. De manque.
Pas de tristesse. Non.
Car elle savait.
Elle recommencerait.

La suite arrive bientôt…

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